Thierry Bernard est quelqu'un qui est toujours de passage, c'est un photographe nomade,mais attentif aux choses;un peu comme un prédateur qui observe sa proie sans le montrer ostensiblement, puis s'en saisit, avant d'aller plus loin.Il a un temps marqué sa distance au monde par le noir et blanc. La couleur est venue pour accuser certaines tendances à l'oeuvre dans ses photos. Avec elle pourtant le monde n'a pas pris de couleurs comme on le dit d'un enfant.

C' est un promeneur ou plûtot un voyageur . Pas un de ses voyageurs préssés qui foncent sur les autoroutes, ou s'enfilent les halls de départ des terminaux d'aéroports. Non, lui il procède avec un certaine lenteur,il prend son temps. Il n'est pas à l'affut mais disons qu'il se met en disponibilité. Il cadre et prend souvent ses photo sà l'arret. Il ne compose pas un réel, n'en reconstruit pas un. Du coup à la différence de nombreux photographes il ne travaille pas avec Photoshop. Il découpe et cerne et cadre à travers des prises successives. Quoi ? Souvent des lieux en suspens d'activité, des objets à l'arret ou remisés, des choses en jachère.

Un monde d'où l'homme et la femme se sont absentés temporairement. Ils sont présents,mais hors champ ou parfois plus tragiquement hors jeu. Souvent d'ailleurs, les objets du photographe sont comme déja expulsés du présent, rejetés dans l'obsolète insistance de leur présence sur laquelle pèse l'ombre de leur désuètude. Les stigmates de l'urbain et de l'industrie griffent la nature qu'il photographie. Des canalisations font office de tas de bois, les fleurs ne sont ici que le fragile souvenir d'une vie achevée sur le bitume d'une route sans nom.
L'homme est apparu récemment, passant ordinaire qu'on ignore, ces hommes et ces femmes invisibles qui traversent nos villes, hommes au repos, fragiles, sur des chantiers au coeur du flux urbain; mais aussi cet homme assis face à la mer, double du photographe.

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- Philippe Cyroulnik- Carnet de route,2006 ( extraits.)